Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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28 mai 2011

Le chevalier d'Artois (III)

"Du 5 au 10 juin 1915

Neuville-Saint-Vaast, juin 1915, dans l'album Mangin,
(Source : bibliothèque nationale de France, département
Estampes et photographies, 4-QE-1036).
"Voilà cinq jours que sans arrêt, nuit et jour, la bataille dure tantôt sur un point, tantôt sur un autre. Ce fut une lutte terrible de part et d’autre, de maison à maison. On avançait de 20 mètres, et le lendemain on recommençait, car la force humaine a des limites. Les Allemands étaient merveilleusement organisés et ne cédaient que faute d’hommes. De notre côté, les pertes sont lourdes, car l’artillerie allemande a fait de très grands progrès, et bien rares sont les obus qui ne portent pas. Le repérage est idéal. Dans l’attaque, leur tir de barrage est terrible, labourant sans arrêt avec des obus de gros calibres, les résultats effrayants. Même les plus courageux tremblent, (ces obus, NDR) bouleversant les tranchées, engloutissant les hommes sous des mètres cubes de terre, faisant des trous énormes ; la terre en tremble et donne, lorsque l’on y est, une surdité qui dure quelque temps. Malgré cela on avance, tranchée par tranchée, sape par sape. La lutte est dure, grenades sur grenades, presque sans arrêt.Le 5 juin, nous avons mission de nous emparer d’une tranchée (1). L’attaque est pénible ; les premiers qui sautent hors de la tranchée sur l’ordre d’un supérieur sont fauchés par un tir convergeant ; les blessures sont affreuses. Hélas, à cette distance elles sont presque toutes mortelles ; l’ennemi ayant l’emplacement de nos positions bombarde avec fureur presque sans arrêt.
Le 6 juin, nous passons une deuxième ligne de tranchée, prise nuit et jour sous les feux de l’artillerie, terrés dans des trous où la mitraille frappe avec fureur, dont les éclats arrivent sur nous comme de la pluie. Durant cette journée, j’ai été légèrement touché au nez par un débris. Le coup a porté, mais sans entrer dans les chairs.
Le 7 juin même situation, attaques sur attaques, plus fortes les unes que les autres (2).
Une tranchée, sans doute française, dans l'album Mangin :
"Comme logement et comme abri, des niches individuelles dans le talus
 (...) où l'on reste blotti en compagnie des poux", écrit le soldat
Tanty (source BNF, 4-QE-1036)
Le 9 juin, attaque générale, nous avançons dans la tranchée ennemie. La lutte est dure, on avance pas à pas, se retranchant tous les quelques mètres. Le spectacle est horrible. Les Allemands et les Français jonchent le sol, enfoncés les uns jusqu’à mi-jambe, d’autres complètement méconnaissables, morts depuis plusieurs jours, dégageant une odeur infecte, inconcevable. Les Allemands n’enterrent pas leurs morts et, dans certains endroits, ils font avec eux des travaux de défense, tels que des parapets. Une chose à noter qui a son importance : lors de l'attaque, nous n’avons pas eu le temps de prendre le peu de vivre qui venait de nous arriver. Aussi nous étions sans vivre, à part ceux de réserve qui étaient déjà fortement endommagés. En pénétrant dans les tranchées allemandes, nous fûmes stupéfaits des vivres qu’elles contenaient. Chaque homme a un petit bouteillon rempli de boîtes de conserve de porc de première qualité. Dans de bons colis, il y avait des bouteilles de bière, des gâteaux, du tabac, des cigares en quantité ; beaucoup plus de vivres que jamais nous avons eus. Aussi les hommes ont mangé mieux qu’à l’ordinaire, et il ne faut pas venir nous dire que les Allemands manquent de vivres, c’est faux. Certes, nous n’avons pas trouvé de pain ou très peu, mais leur tempérament n’en demande pas davantage. Les tranchées ennemies étaient remplies de toutes sortes d’équipements en grand nombre : fusils, casques. Les Allemands n’enterrent pas leurs cadavres ; ils les laissent là, marchant dessus avec désinvolture. C’est affreux l’état dans lequel nous avons trouvé leurs boyaux, les visions de cadavres gisant dans de différentes positions et dégageant des odeurs infectes. De notre côté, les pertes sont dures ; l’artillerie ennemie nous laboure d’obus dont les effets sont terribles, creusant des trous énormes, ensevelissant les hommes sous des débris de toutes sortes. J’ai vu des hommes dans des états épouvantables, les bras arrachés, la tête séparée du tronc, dans des positions horribles, noircis par la poudre. Nous avons trouvé dans la tranchée allemande des lettres d’Allemagne du 6, preuve certaine que le ravitaillement arrive bien, tandis que nous n’avons de correspondance que par à-coups, datant de cinq ou six jours."

(1) Selon l'historique du 36eRI, le 5 juin, "l'attaque est reprise par le 1er et le 2ebataillon en liaison avec le 129e à droite et le 114e àgauche." Voir le récit de cette journée sur ce blog.
(2) Le 7 juin, le régiment s'empare de plusieurs maisons situées le long de la rue Verte. Le 8, le 36e et le 39e RI, dans une action combinée, progressent dans la partie centrale du village.

(A suivre...)

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je fais un site sur la guerre 14 : http://guerre14.e-monsite.com
    Je me pose des questions sur les "niches de chien" dans les tranchées .
    Elles ne sont jamais étayées et sont extrêmement fragiles .
    Les éboulement doivent être réguliers.
    Une fois éboulées elles ouvrent la tranchée aux obus fusants .

    Bref est ce que ces niches étaient tolérées ou tout à fait acceptées ?

    Merci .

    gardiendelombre@voila.fr

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  2. Bonjour, Je pense qu'il y avait une tolérance au cas par cas, selon la saison et la nature du terrain. Bonne journée.

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