Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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9 févr. 2011

L'esprit de chapelle de la 10e compagnie (II)

Suite et fin du courrier de Georges Chassery, chef du 3e bataillon du 36e RI, au sujet de la création de la petite chapelle de Jeanne d'Arc, dans les bois de Beaumarais, en avril 1915.

Une photo, prise peut-être le mardi 27 avril 1915,
jour de l'inauguration de la chapelle. A gauche de l'aumônier
Girard, Chassery. A droite, le sous-lieutenant de Viefville.  
"25 avril 1915. —- Quand tu recevras cette lettre, j'aurai quitté mes bois pour une destination inconnue [le régiment doit alors partir en Artois]. Ma pauvre chapelle ! Je suis navré de l'abandonner à la veille de son inauguration. Néanmoins, nous ne la quitterons pas ainsi. Mardi, une messe sera dite pour la bénir, et j'emporterai des photographies. Mon cœur se fend à l'idée de quitter ces bois auxquels j'étais arrivé à m'attacher profondément. Enfin, n'en parlons plus : la patrie, la France nous appellent ailleurs pour défendre son territoire envahi. Partout, nous saurons remplir avec la même abnégation notre devoir militaire jusqu'au bout.

"27 avril 1915. — Nous avons inauguré notre chapelle ce matin. Certes, elle aurait été beaucoup plus jolie si elle avait eu tous les ornements qui lui étaient destinés. Malgré tout, elle était très bien, avec son autel tout fleuri, son étendard de Jeanne d'Arc, et ton cher fanion qui abritait sous ses plis les noms des soldats du 3e bataillon tombés au champ d'honneur* dans les bois du B[eau]-M[arais]. Nous avions pu mettre un chemin de croix, pris dans la chapelle des Sœurs de P[ontavert]... Une des stations, la cinquième, est traversée par un éclat d'obus.

"30 avril 1915. — J'ai reçu des images très jolies de saint Georges, saint Sébastien, et deux Christ venant de Paris. Reçu aussi deux statuettes de saint Joseph et de la Vierge de Lourdes, sans doute envoyées par Mme T. Le tout est, dès maintenant, installé dans la chapelle [voir ci-dessous], qui commence déjà à être trop petite.
Tous les soirs, quand la nuit est descendue sur la terre, je vais à ma chapelle, j'invoque ma patronne, j'embrasse ton cher étendard, et je me sens alors une force toute nouvelle pour supporter tous les ennuis inhérents à notre vie actuelle.

"10 mai 1915. — Aujourd'hui, les vitraux ont été placés. Ils font très bon effet et donnent un excellent éclairage au chœur.

L'intérieur de la chapelle. On voit les images
 mentionnées par Georges Chassery.
"13 mai 1915. — Aujourd'hui, jour de l'Ascension, l'aumônier a apporté la plaque de cuivre commémorative du baptême raté de la cloche. La plaque de cuivre est maintenant dans le clocher, à côté de la cloche. Plus tard, tu pourras la retrouver quand nous ferons notre voyage de souvenir.
Cette plaque porte l'inscription suivante :
Je sonne pour la prière.
Je sonne à l'approche des avions de l'ennemi.
Je sonnerai bientôt pour la victoire et la paix.
Mon parrain est le commandant A. V. [le chef de bataillon Voisin ?]
Ma marraine est Mme S. C. [il s'agit sans doute de l'épouse de Georges Chassery, Suzanne, née Prioux]
Mai 1915.
Des soldats français reconnaissants.
Souvenir du ...[36]e.

"17 mai 1915. — Nous sommes sur les grandes routes, ou plutôt prêts à nous embarquer vers une destination inconnue. Adieu nos jolis bois couverts de muguet ! A minuit, je suis allé faire une dernière prière dans ma petite chapelle."


Georges Chassery remplira son devoir militaire avec abnégation. Le 9 juin 1915, il sera fauché par un éclat d'obus à Neuville-Saint-Vaast. Selon le JMO du 36e RI, qui rapportera ses dernières paroles, l'officier tombera en s'écriant : "Mon seul regret est de ne pas pouvoir vous conduire jusqu'au bout. Vive la France !"
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* Il s'agit de Georges Leboucher (10e Cie), Louis Lemarignier (11e Cie), Arthur Lepêtre et Jules Mérienne (12e Cie).

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