Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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16 janv. 2011

Beaumarais, une citadelle passée aux oubliettes


5 avril 1915. Toute la journée, dans ce qui forme aujourd'hui le pré Turquin, au sud de la ferme du Temple, la 1re compagnie du génie du 3e bataillon du 3e régiment de génie double et renforce le réseau de fil de fer entre la butte de l'Edmond et l'est des bois de Beaumarais. Depuis l'arrivée du régiment dans le secteur et avec la fixation du front, la bois offrent désormais une nouvelle physionomie. En quelque mois, le massif forestier est devenu un véritable camp retranché.
Un changement d'apparence qui ne doit rien au hasard : le 11 février, Mangin, général commandant la 5e division d'infanterie, prescrit par la note n°1509/3 de tirer parti du saillant formé par les bois dans les lignes ennemies. Quelques jours plus tard, Viennot, commandant la 10e brigade, propose dans une note que l'on découvre aujourd'hui au Service historique de la défense (SHD), de "poursuivre l'encerclement de tout le périmètre du bois et le transformer en un grand centre de résistance, réellement fermé." Pour ce faire, il préconise de "clore les lisières en avant desquelles n'existent pas des défenses accessoires" à l'aide de treillage de 2 m de haut. Il poursuit : "Quelques nouvelles tranchées seraient en outre construites sur les lisières au N.O. de la ferme du Temple. Il y aurait lieu de cercler également le Bois au sud de la deuxième ligne, qu'entreprend actuellement le Génie." Mais le petit peuple travailleur n'a pas attendu les notes de Viennot pour transformer Beaumarais en citadelle. Une lecture du JMO de la 1re compagnie du 3e bataillon montre la progression des travaux les plus récurrents, mois après mois.
La 5e division d'infanterie à peine débarquée en décembre, les sapes inondées sont asséchées et assainies, des abris sont organisés, certains à l'épreuve pour le personnel officier, comme au château de Pontavert, régulièrement bombardé, d'autres pour les mitrailleuses en lisière nord des bois. En janvier, les réseaux sont consolidés, des abris pour canons de 37 et 75 mm sont aménagés, toujours sur la bordure septentrionale du bois. Les travaux de réfection du mont Hermel, sur instruction du capitaine Lucien, démarrent, ainsi qu'à la cote 120. Ils seront poursuivis en février, ainsi que le renforcement des réseaux en avant des premières lignes. Ce même mois, en application de la note de Viennot, la deuxième ligne est équipée. Le site de la butte de l'Edmond, au sud de la ferme du Temple, est installé -il deviendra un point d'appui. Des réseaux fixes, doublés de treillages métalliques de deux mètres de haut, sont posés tout au long de cette ligne qui traverse d'est en ouest les bois de Beaumarais. Avec le premier mois du printemps, cette deuxième ligne est hérissée de réseaux de fil de fer. Les champs de tirs des clairières de cette deuxième ligne sont dégagés et déboisés. Des pièges "sphériques et cubiques" sont posés. Dans le no man's land, le petit poste d'écoute, qui a été capturé le 12 janvier dernier par le sous-lieutenant Charles Osmond, reçoit un dispositif d'explosifs. Enfin, une ébauche de troisième ligne est dessinée autour des villages de Chaudardes et Pontavert est dessinée : des tranchées de tir et en gabionnades sont ouvertes, des créneaux dans les murs sont pratiqués. Les derniers "grands travaux" s'achèvent en mars.
Le 36e RI n'est pas en reste et participent largement à ces travaux, comme en témoignent des compte-rendus conservés aujourd'hui au SHD. Le 2 avril, la deuxième section de la 5e compagnie, du lieutenant Marcou, construit ainsi "une sape pour sentinelle", la troisième s'occupant de la "réfection d'une tranchée éboulée par un obus". En quelques phrases, Paul Cazin, au 29e RI et dans un autre secteur géographique, décrira ces corvées : "Les «hommes fourmis» circulent, chargés de rondins, de claies, de caillebotis travaillés à l'arrière et qui vont étayer les parapets qui s'effondrent, faire office de planchers dans les fosses de boue où les jambes s'enlisent… Un immense plateau… Au milieu le boyau que nous sommes chargés de creuser, à peine ébauché à certains endroits… Dieu qu'il fait froid ! Tout ce monde, couverture sur la tête, ressemble à un campement d'Arabes. On se relaie de deux heures en deux heures… Ceux de la section voisine sont là au fond, tout de leur long sur la terre, ronflant. «Debout… à vous de prendre»." De ces mois de travail dans les bois de Beaumarais, il ne reste rien aujourd'hui, sinon quelques vestiges rabotés par quatre-vingt seize années de pluies et de feuilles accumulées.

(Illustrations : Cyclopaedia, or an Universal Dictionary of Arts and Sciences, vol.1, 1728)

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