Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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26 janv. 2009

Lagardère, le Sulphart du Temple

(Photo : la ferme du Temple aujourd'hui, entre Pontavert et Corbény.)

Dans l'écume des récits, photos et rapports sur le 36e RI, il n'est pas rare de découvrir au fil des pages un têtu, une forte tête, une silhouette de l'étoffe d'un Sulphart, pour reprendre l'inimitable personnage décrit par Dorgelès dans Les Croix de Bois. Le gars Ticos, de la 10e compagnie, était ainsi "un type peu ordinaire", s'il faut en croire une petite note écrite par Fernand Le Bailly dans son album. L'adjudant Kühn (un Saxon qui venait de la Légion étrangère raconte Jean Hugo dans ses mémoires), à la 4e compagnie, avait lui aussi tout d'un drôle d'énergumène : "Recouvert d'une peau de bique blanche, il emmenait ses hommes au pas cadencé jusqu'aux fils de fer ennemis, interpellait les Allemands en allemand et commandait un feu de salve, puis ramenait sa patrouille en bon ordre comme il était venu." (Hugo).
Mais dans les bois de Beaumarais, Lagardère se distingue particulièrement. Cabochard, l'homme a rejoint le rang des frondeurs, de ceux qui refusent de "se faire emmerder" par les gradés. Sa hiérarchie le tient à l'oeil. Tant et si bien qu'il finit par rentrer dans le rang. Dans un compte rendu de fin de journée du 24 janvier 1915, le colonel de brigade Viennot note: "Le soldat Lagardère a la réputation d'une mauvaise tête et veut effacer la mauvaise impression qu'il a produite sur ses supérieurs." L'homme est donc désigné pour une "corvée" bien spéciale : attirer et concentrer les obus de l'artillerie allemande sur la ferme du Temple, en faisant passer le site pour une redoute fortement occupée.
Situé sur la partie orientale des bois de Beaumarais, ce groupe de bâtiments (voir cette vue en 1914) est à l'origine une ancienne commanderie des Templiers, datant du 12e siècle. Avant-guerre, elle constituait la plus importante exploitation de Pontavert avec ses 203 hectares de terres cultivables. L'église du 13e siècle, isolée au centre de la cour, seul témoin restant des anciennes constructions, est dotée de caves profondes pour se protéger des bombardements. Elle est entourée de deux écuries, d'une étable et de deux hangars endommagés par les combats précédents. Selon toute vraisemblance, Lagardère est chargé seul de cette mission.
Les débuts de cette guerre bien éprouvante pour ce soldat seront plus ou moins couronnés de succès. Le 28 janvier, dans le JMO du régiment, il est noté : "Le soldat Lagardère continue à allumer des bougies pendant la nuit et à allumer des feux le jour pour attirer la canonnade ennemie. Cet après-midi, 40 obus sont tombés sur la ferme ou à proximité. Pour plus de vraisemblance, il a éteint ses feux pour faire croire à l’ennemi que le but est atteint." Mais avec le mois de février, l'on compte pratiquement un bombardement tous les deux jours (on comptera une moyenne de 350 obus). Le 20, le site a ainsi les faveurs de l'artillerie lourde. "28 obus sont tombés sur la ferme du Temple, selon un compte-rendu des événements. Plusieurs ont atteint le bâtiment principal. Le soldat Lagardère avait organisé un va-et-vient supporté par des poteaux entre la ferme et la tranchée de 520 mètres, dans le but de faciliter la liaison entre la tranchée et lui." Cette intensité décroit avec le mois de mars (une moyenne de 160 obus), avril (30 obus) et reprend en mai (une cinquantaine d'obus).
Si vous passez devant les bâtiments de la Ferme du Temple, aujourd'hui reconstruite (photo ci-dessus), ayez donc une pensée pour le soldat Lagardère, reclus dans cet ermitage bien spécial (pour voir un parallèle en lisière de la ferme du Temple, cliquer ici). A noter que Jean Hugo évoquera lui aussi dans son récit autobiographique un soldat du 36e RI nommé Lagardère : lire cet extrait.

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