Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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5 juin 2008

Lépine des tranchées (I)

Hiver 1915. Les deux armées sont face à face. Pendant que les soldats du 36e régiment d'infanterie s'ennuient ou se débattent dans le cloaque des bois de Beaumarais, l'état-major de la 5e armée met à profit ce temps d'attente pour tenter de résoudre la question du franchissement des tranchées ennemies. Un nouvel engin est proposé pour détruire les réseaux de fil de fer barbelés. L'essai calamiteux de cette nouvelle arme, embryon des chars d'assaut qui seront engagés deux ans et trois mois plus tard, nous est raconté à travers ce compte-rendu retrouvé au service historique de la défense.
(Ci-contre, les boucliers mobiles, expérimentés par plusieurs pays, permettaient au fantassin d'avancer en rampant et en poussant l'engin à l'abri des tirs. Photo DR)

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5e armée, 10e brigade, état-major

PROCES-VERBAL établi à la suite de la mise en expérience d'un engin destiné à la destruction des réseaux de fIl de fer

Ce jour d'hui 3 janvier 1915, une commission composée de
1°M. le colonel VIENNOT cdt PI la 10e Bde
2° M. de MIRIBEL, chef d'escadron au 43e d'Art
3° M. COLOMB, capitaine au 3e Génie
s'est réunie au parc du château de Pontavert en vue d'assister aux essais d'une brouette et d'un chalumeau oxyacétylénique destiné à la destruction des réseaux de fil de fer.
L'appareil avait été monté par le caporal sapeur MALLET du 35e Tal exerçant, dans la vie civile, la profession d'entrepreneur de constructions métalliques, 104, rue Lecourbe, PARIS. Ce choix avait été fait en vue de mettre l'appareil entre les mains d'un spécialiste très au courant du maniement du chalumeau.
La brouette était placée à 45 m du réseau sur une pelouse légèrement détrempée mais constituant un terrain favorable au roulement.
Malgré les efforts des deux hommes, il a fallu huit minutes pour amener le véhicule contre le réseau. La marche d'approche ne s'est pas faite en sourdine, la brouette en roulant produisait un bruit de ferraille qui pouvait être perçu à 100 m au moins. Pour donner à l'expérience le maximum de chances de réussite, des indications ont été fournies au conducteur pour que la brouette aborde le réseau entre deux piquets.
Le chalumeau a été ensuite allumé : la flamme émise était telle qu'elle a été perçue à un Klm : toute la région environnant la brouette était éclairée comme par une lampe à arc. La coupure du réseau ayant trois mètres de profondeur a nécessité 37 minutes ; la brèche était de deux mètres à peine ; les ronces les plus basses subsistaient ayant été appuyées simplement sur le sol par la brouette ; en outre, autour des piquets, il restait des brins de fil de ronce formant un véritable balai réduisant d'autant la partie praticable de la brèche.
Les bouteilles d'oxygène et acétylène étaient coplètement pleines au début de l'expérience, le caporal MALLET avait réglé le débit des robinets de façon à réduire au minimum la consommation du combustible et du comburant. Pour arriver à couper les derniers fils, il a fallu employer uniquement l'acétylène, le contenu du récipient à oxygène étant épuisé.
Si l'on envisage le facteur vulnérabilité des hommes employés à la manœuvre, on peut conclure que l'homme chargé de la conduite de la brouette étant dans l'obligation de décrire une sinusoïde pour diriger la brouette entre les piquets plantés en quinconce, sera victime non seulement des feux d'écharpe, mais encore des feux de plein fouet. Pendant l'opération, cet homme aurait certainement dû être remplacé vingt-cinq fois. Comment le remplacer ?
Quant à l'homme chargé du chalumeau, il aurait certainement été tué plusieurs fois par les fentes destinées au passage de son instrument, en outre, il est fort probable que le chalumeau aurait certainement eu son dard, ses tuyaux et ses robinets mis hors d'usage.
D'ailleurs si l'on examine le temps qu'il a fallu pour accomplir ce travail de destruction, il est probable que l'ennemi, profitant de ce que l'on ne pouvait tirer sur les travailleurs, aurait fait cueillir par cinq ou six hommes la brouette et son contenu.

CONCLUSION - A l'unanimité, la commission a l'honneur d'émettre l'avis que l'engin essayé est absolument inutilisable pour la destruction, même en se plaçant dans les conditions les plus favorables et qu'il n'y a pas lieu de poursuivre les essais.

signé : COLOMB, de MIRIBEL, VIENNOT

(Note bas de page)
Transmis à M. le général Cdt le 3e corps d'armée. L'appareil n'est pas utilisable, mais le bouclier qu'il porte peut servir comme abri pour mitrailleuse ou canon de 37 avec qqs modifications. Il sera ainsi employé. Rouy, le 3 janvier 1915
Le général Cdt la 5e DI
signé : MANGIN

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