Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
Comment consulter cette page ? Vous pouvez lire progressivement les messages, qui ne respectent pas un ordre chronologique (ils évoquent, par exemple, l'année 1915 ou 1914). Vous pouvez aussi avoir envie de vous attarder sur une année ou un secteur géographique : pour cela, cliquez dans la colonne à gauche dans la rubrique "Pages d'histoire du 36e" sur la période et le lieu qui vous intéressent. Tous les messages seront alors rassemblés pour vous selon l'ordre de publication.
Comment rentrer en contact ? Pour de plus amples renseignements sur ce site, ou me faire parvenir une copie de vos documents, vos souvenirs ou remarques, écrivez-moi. Mon adresse : jerome.verroust@gmail.com. Je vous souhaite une agréable lecture.

Avertissement : Si pour une raison quelconque, un ayant-droit d'une des personnes référencées sur ce site désire le retrait de la (les) photo(s) et des informations qui l'accompagnent, qu'il me contacte.

23 déc. 2007

"Artois aux gais talus..."

Légende dans l'album de Fernand Le Bailly : "Nous avons (la 5e division) repris...
la rue principale à Neuville-Saint-Vaast le 9 juin 1915."


L'Artois
(de Jules BRETON, "Les champs et la mer")

À José-Maria de Heredia.

I
J'aime mon vieil Artois aux plaines infinies,
Champs perdus dans l'espace où s'opposent, mêlés,
Poèmes de fraîcheur et fauves harmonies,
Les lins bleus, lacs de fleurs, aux verdures brunies,
L'oeillette, blanche écume, à l'océan des blés.

Au printemps, les colzas aux gais bouquets de chrome,
De leur note si vive éblouissent les yeux ;
Des mousses de velours émaillent le vieux chaume,
Et sur le seuil béni que la verdure embaume
On voit s'épanouir de beaux enfants joyeux.

Chérubins de village avec leur tête ronde,
Leurs cheveux flamboyants qu'allume le soleil ;
De sa poudre dorée un rayon les inonde.
Quelle folle clameur pousse leur troupe blonde,
Quel rire éblouissant et quel éclat vermeil !

Quand nos ciels argentés et leur douce lumière
Ont fait place à l'azur si sombre de l'été ;
Quand les ormes sont noirs, qu'à sec est la rivière ;
Près du chemin blanchi, quand, grise de poussière,
La fleur se crispe et meurt de soif, d'aridité ;

Dans sa fureur l'Été, soufflant sa chaude haleine,
Exaspère la vie et l'enivre de feu ;
Mais si notre sang bout et brûle notre veine,
Bientôt nous rafraîchit la nuit douce et sereine,
Où les mondes ardents scintillent dans le bleu.

II
Artois aux gais talus où les chardons foisonnent,
Entremêlant aux blés leurs têtes de carmin ;
Je t'aime quand, le soir, les moucherons bourdonnent,
Quand tes cloches, au loin, pieusement résonnent,
Et que j'erre au hasard, tout seul sur le chemin.

J'aime ton grand soleil qui se couche dans l'herbe ;
Humilité, splendeur, tout est là, c'est le Beau ;
Le sol fume ; et c'est l'heure où s'en revient, superbe,
La glaneuse, le front couronné de sa gerbe
Et de cheveux plus noirs que l'aile d'un corbeau.

C'est une enfant des champs, âpre, sauvage et fière ;
Et son galbe fait bien sur ce simple décor,
Alors que son pied nu soulève la poussière,
Qu'agrandie et mêlée au torrent de lumière,
Se dressant sur ses reins, elle prend son essor.

C'est elle. Sur son sein tombent des plis de toile ;
Entre les blonds épis rayonne son oeil noir ;
Aux franges de la nue ainsi brille une étoile ;
Phidias eût rêvé le chef-d'oeuvre que voile
Cette jupe taillée à grands coups d'ébauchoir.

Laissant à l'air flotter l'humble tissu de laine,
Elle passe, et gaîment brille la glane d'or,
Et le soleil rougit sur sa face hautaine.
Bientôt elle se perd dans un pli de la plaine,
Et le regard charmé pense la voir encor.

III
Voici l'ombre qui tombe, et l'ardente fournaise
S'éteint tout doucement dans les flots de la nuit,
Au rideau sourd du bois attachant une braise
Comme un suprême adieu. Tout se voile et s'apaise,
Tout devient idéal, forme, couleur et bruit.

Et la lumière avare aux détails se refuse ;
Le dessin s'ennoblit, et, dans le brun puissant,
Majestueusement le grand accent s'accuse ;
La teinte est plus suave en sa gamme diffuse,
Et la sourdine rend le son plus ravissant.

Miracle d'un instant, heure immatérielle,
Où l'air est un parfum et le vent un soupir !
Au crépuscule ému la laideur même est belle,
Car le mystère est l'art : l'éclat ni l'étincelle
Ne valent un rayon tout prêt à s'assoupir.

Mais la nuit vient voiler les plaines infinies,
L'immensité de brume où s'endorment, mêlés,
Poèmes de fraîcheur et fauves harmonies,
Les lins bleus, lacs de fleurs, les verdures brunies,
L'oeillette, blanche écume, et l'océan des blés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire